L'image de la femme ?

Samedi 6 septembre 2014

Aujourd'hui, j'ai été (très probablement) "chahutée" pour avoir porté un décolleté plongeant. (Oh, il y a toujours le-mec-sur-qui-je-ne-dois-pas-crusher pour se réjouir de mes seins, je ne me fais pas de souci, pour qu'il m'en parle à 1h30 du soir/matin ça doit être particulièrement sympa...)
J'étais en cours toute la journée, le même cours. Je ne suis qu'avec des nouveaux camarades que je ne connais pas vraiment, car c'est la promotion au-dessus de moi, mais eux peuvent me connaître comme "la fille qui s'est blessée devant toute l'école" (oui oui) (luxation de rotule il y a deux ans) (oh la la c'est la deuxième année que je suis à l'école, c'est fou). Bref. L'après-midi, la feuille d'émargement passe, et quelle surprise ! un cœur à côté de mon nom et un numéro de téléphone. Mis à part l'idée que c'est une feuille "publique", que le professeur récupère (donc merci pour mon image), je ne peux pas m'empêcher de penser (et d'en être sûre...) que c'est une blague de mauvais goût de la part d'un (groupe de ?) mec(s). Je connais les gens de mon école, je sais qu'ils sont comme ça. J'ai des amies qui pensent que ça aurait pu être sérieux... mais non, elles ne connaissent pas ces gens comme moi je les connais. Elles ne savent pas que tout est prétexte à un concours d'humour géant, que c'est à qui fera le plus rire sa classe. Elles ne savent pas qu'on tourne tout en dérision, sans aucune exception.

Et puis. Un de mes meilleurs amis me dit "tiens, "Machin" m'a demandé dès qu'il m'a vu si toi et moi avons couché ensemble, et il dit que tu t'es fait tout *nom de l'asso*". Pardon ? "Machin", ce n'est pas très prudent de ta part de faire courir des rumeurs sur ma pomme quand toi, quand on s'est vus dans ton lit, tu as été impuissant. Pardon mais non, ce n'est ni prudent, ni sympathique. D'autant plus que (cela ne change strictement rien sauf à rétablir la vérité) je n'ai couché avec aucun des 3 que j'ai embrassés. Du coup, si tu ne tiens pas à passer pour un mec aigri incapable d'accepter, comme un adulte, que tu n'avais pas spécialement envie de coucher avec moi, je pense que tu ne veux pas te retrouver sur mon chemin à l'avenir. Espèce d'ordure.

Du coup, j'y ai pensé. À l'image de la femme et à la mienne. Ce n'est clairement pas la première fois qu'on spécule sur ma vie privée en public. La première fois, il y a deux ans, j'ai été quelque peu indignée pour moi, mais je pense que cela m'a plus touchée que ce que je pense. Et aujourd'hui ? Aujourd'hui, à la lumière des deux petits événements qui me sont arrivés, je peux dire que ça me touche encore, mais pas personnellement. Ça ne m'embête pas que ma vie privée soit publique, en soi, j'assume tout ce que je fais même si je ne m'en vante pas.

Ce qui m'ennuie, c'est qu'il semblerait que parce que je suis une personne de sexe féminin, je sois vue comme une catin/salope/pute/ne pas rayer la mention inutile, juste parce que je pratique (parfois !) le sexe de manière consentante. Ouais, je sais, crime de lèse-majesté, je mérite la prison. Bien entendu, un garçon qui fait la même chose, c'est juste un tombeur qu'on se doit de féliciter, parce que les garçons ont besoin de sexe, pas comme les filles qui ont besoin d'amour. (Vous m'entendez vomir au fond de la classe ?)

Ce qui m'ennuie, c'est d'être remarquée pour mes seins et non pour mes mots, mes centres d'intérêts, ma personnalité. "Elle a une forte personnalité" = "elle a de gros seins". Dans quel monde vit-on ? Est-ce que je peux accéder à un poste élevé sans qu'on pense que j'ai couché ? Non. Impossible, même dans mon milieu actuel, censé être "en avance". Est-ce que, moi, je regarde l'entrejambe d'un mec avant de choisir si je veux lui parler ? (Non, je regarde ses fesses. Je rigole, ce n'est pas un critère éliminatoire. Je suis sympa envers les mecs qui n'ont pas de belles fesses, quand même.) Et bien sûr, un garçon sera apprécié s'il a un sens de l'humour hors du commun, une fille sera juste une castratrice pas du tout attirante.

Ce qui m'ennuie, c'est d'être réduite à un objet ou à une victime.
Je veux être tellement plus.
Je veux qu'on me considère comme un être humain.
Je veux qu'on accepte l'idée que j'ai des émotions. Je veux qu'on accepte l'idée que tous les êtres humains ont des émotions, même les garçons. (Sacrilège !)
Je veux qu'une femme ait les mêmes droits qu'un homme.
Je veux que les stéréotypes genrés n'existent plus. Je veux pouvoir regarder quelqu'un conduire mal une voiture sans me dire "une femme doit être au volant".
Je veux que mon salaire soit aussi élevé que celui de mon camarade homme qui fait les mêmes études que moi.
Je veux que mes compétences soient reconnues et ne pas passer pour celle qui a couché pour réussir.
Je veux que mes seins n'occultent plus mes paroles.

Je pense que je peux attendre longtemps, quand je vois l'état de mes camarades. Camarades qui étudient dans une grande école et seront donc, probablement, à des postes haut placés hiérarchiquement et capables de prendre des décisions.

J'ai peur pour l'avenir. Mais je suis également optimiste.

Je crois que des efforts sont réellement faits par les gouvernements occidentaux, notamment français.
Je crois que mes amis sont les meilleurs du monde et qu'ils m'aiment malgré mon décolleté plongeant.
Je crois que si mes amis ne sont pas sexistes, un grand nombre de personnes pourraient ne pas l'être avec un minimum d'éducation et d'arguments.
Je crois que le bon sens va, un jour, reprendre le dessus dans ce monde. (Ah non, ça c'est sûrement impossible. Tant pis.)

I feel so alone.

Dimanche 1er juin 2014

La solitude est un sentiment détestable.

J'aime qu'on me laisse tranquille, en paix, libre, que je puisse vaquer à mes occupations. Qu'on ne me pose pas trop de questions. Qu'on ne cherche pas constamment ma compagnie. Qu'on ne me juge pas, pour mes actes ou la personne que je suis intrinsèquement.
Cependant, et c'est peut-être cruel, j'ai l'impression de ne pouvoir "être" avec personne, physiquement, sauf R., et c'est plutôt déprimant. Vivre avec des personnes sur une courte durée est difficile. Je grandis mon égoïsme et ça me rend triste. J'ai du mal à rester tout le temps avec ceux que j'appelle "mes meilleurs amis" à l'école, je fais une "overdose" lorsque je les vois trop souvent. Je les aime vraiment, nous sommes amis, mais pas "meilleurs amis". Ils me comprennent sur beaucoup de choses, bien sûr, nous partageons certaines valeurs, certains goûts, mais je les sens si égoïstes, si centrés sur eux-mêmes. Je donne tout et je ne reçois que peu. C'est fatiguant, ça me pompe toute mon énergie. Et je me sens coupable d'être ainsi, d'être généreuse, d'être aigrie de l'être.
Je n'aide pas les gens parce que je pense que je suis le Messie, ou meilleure qu'eux. J'aide les gens parce que ça me fait plaisir et que ça me fait grandir. Mais aujourd'hui, je sus fatiguée de toujours tout donner, je suis fatiguée tout court, alors j'arrête. Quelques jours.

Je n'aime pas me sentir "seule contre tous", incomprise et non soutenue dans mes opinions. Je n'aime pas du tout me sentir mal à l'aise et rejetée dans un pays où le score du FN a explosé. Pas à ma place ici, alors que j'ai grandi ici, que j'ai vécu toute ma vie ici, que j'ai étudié ici et que je continuerai encore quelques années. Je peux comprendre que le système politique soit rouillé et que la vie des gens devienne difficile au quotidien. Je peux comprendre que la démagogie fonctionne parce que l'éducation n'a pas fait son bout de chemin. Je peux comprendre qu'on rejette l'Union européenne dans sa forme actuelle. Mais je ne peux pas comprendre que les valeurs des gens, de 25% des votants, consiste en un racisme puant et un égoïsme flagrant. Je ne peux pas comprendre qu'on puisse, de nos jours, préférer un nationalisme exacerbé à une entraide entre pays voisins. Je ne peux pas comprendre qu'on arrive à voter FN pour faire bouger les choses et faire comprendre aux dominants que cela ne fonctionne pas.
Je sais que je suis moi-même intolérante : j'ai du mal à accepter les gens racistes, les gens homophobes, les gens qui ne respectent pas les dires et les demandes des autres, les gens qui empiètent sur la vie privée des autres, et tant d'autres gens. Je vote au centre, parfois à gauche. Je considère que l'économie est un sujet sur lequel je penche à droite, et j'ai des revendications sociales très fortes (l'égalité pour tous, les hommes et les femmes, les homosexuel·le·s). J'essaie de comprendre tous les sujets d'actualité, les raisons qui poussent les gens à agir comme ils le font. J'apprends tous les jours un peu plus (en lisant des livres d'histoire, en lisant des romans, en lisant des revues scientifiques). J'avance. Je ne recule pas.
Et pour moi, le FN recule. Dans un monde relié de toutes parts, qui veut apprendre des autres cultures, le FN est un parti qui souhaite au contraire refermer le pays sur lui-même. C'est économiquement non viable et humainement impossible.

Alors oui, aujourd'hui, je me sens seule. Je me sens seule car je me sens incomprise.
J'espère que ce sentiment va s'estomper avec le temps, mais j'ai bien peur que cela continue.
Je pense que je vais déménager dans la pampa argentine, ou les montagnes népalaises, ou dans un lieu où je n'aurais pas à faire face à de la haine cachée sous des semblants d'institutions qui légitiment cette haine.

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