Il est exact que ce soit écrit, mais ce qui est écrit est une erreur. Boris Vian, L'arrache-cœur
M. IP m'a déboussolée. C'est censé rester un secret, mais comment puis-je n'en parler à personne ? Comment puis-je me taire et supporter cette expérience sans même en parler ici, dans mon "journal intime public" ?
Il a pensé à des choses que j'avais occultées depuis longtemps. Des choses auxquelles je ne pouvais plus penser. Le désir. Nos deux corps, nus, simplement. Nos deux esprits, pas amoureux, véritablement.
Il m'a poussée dans mes retranchements, il m'a désinhibée, il a été vraiment pas mal. Pour sa première expérience du genre... Son premier baiser. Passionné. Soudain. Sa peau chaude contre mes vêtements, au début. Puis contre ma peau. Sa barbe naissante caressant mon corps. Oui, je fais une fixation sur la barbe, c'est rugueux et terriblement excitant. Cela dit, l'Anglais aussi est barbu. Ses mains sur mon ventre, mes seins. Oui, je suis sensible, tactile, ce n'est pas pour rien.
Dire qu'il m'a surprise est un euphémisme. Dire que je me suis surprise en est un aussi. J'avais barré cette hypothèse, raturé ce rêve. Et au final, je me retrouve à faire des préliminaires avec lui, dans la chambre de la tente, alors que d'autres dorment en face et nous somment de ne pas faire de conneries. F*ck, hein. Combien de fois ai-je dû le rassurer, lui dire que c'était sa vie, ma vie, que cela ne les regardait pas ? Les autres. L'enfer, c'est les autres. Sartre, tu as bien raison. Combien de fois a-t-il hésité entre « le faire ou pas » ? Tellement, que je ne compte plus, que je n'explique plus. Devant le torse nu, une première fois, il hésitait déjà. Ensuite...
J'ai aimé discuter avec lui, éclaircir notre relation (« on ne sort pas ensemble »), définir notre nuit (« il ne s'est rien passé »), assurer nos arrières (« tu n'es pas la bonne personne, je ne suis pas la bonne personne »).
Savoir qu'il n'allait pas bien sans pour autant pouvoir l'aider, parler de lui (non il ne se suicidera pas, non aucun mec ne l'attire).
Je me sens démunie, en ce moment, véritablement incapable d'être amoureuse, de mon côté.
Je ne peux rien contre son désintérêt pour la vie, je ne me sens pas assez forte pour le soutenir. J'ai aidé à ma manière, avec les mots d'un autre... Des mots dans lesquels on s'est tous reconnus, à un moment ou un autre de notre courte existence. Des mots universels.
Je ne sais pas ce que je peux faire de plus sans devenir folle.