Move so pretty you're all I see. You hold me right here right now.


 
Cette heure de perm', ce sportif, gardé secret. Cette complicité faussée avec celle qui n'est qu'une grande prétentieuse. Cette salle d'orientation dans laquelle nous sommes très souvent.

Cette salle...

« Elle était assise sur cette chaise si inconfortable, presque lovée, le sac entre ses bras, posé sur la table, de la musique dans ses oreilles, malgré l'interdiction. Elle regardait, ou plutôt fixait sans regarder, en voyant à peine. Sa silhouette se dessinait devant ses yeux, sans qu'elle ne puisse la chasser. Ni en clignant des yeux, ni en secouant la tête. Elle sentait son cœur se serrer. Ainsi, il était là, vraiment présent. Les larmes montaient, piquaient, refoulées. Lorsqu'elle ne put plus retenir ces gouttes salées, délicieuses sur ses lèvres, il la remarqua. Bien sûr. Il ne faisait que la regarder. Il voulut s'approcher d'elle. Elle ne cracha que quelques mots. "Je n'ai pas envie que tu viennes." Elle se leva, et se dirigea dans cette petite salle, qu'elle surnommait "cocon" en son for intérieur. Cette salle d'orientation...
Elle l'entendit clairement demander à sa meilleure amie d'y aller. Celle-ci refusa. "C'est à toi d'y aller, pas à moi." Il hésitait, elle le savait avant même de le voir.
Cette salle était occupée par deux personnes. De toute façon, l'un savait tellement de choses sur elle, ce n'était pas fondre en larmes devant lui qui allait la traumatiser. Elle s'installa en silence, blottie sur elle-même. Elle entendit sa voix divine. "Je peux t'aider ?" Elle allait refuser silencieusement lorsqu'elle sentit une main chaude lui caresser la joue.
La silhouette... Ses larmes redoublèrent. Elle tenta de prendre sur elle pour se contenir. Elle ne voulait pas qu'il la voie. Il ne voulait pas qu'il s'en mêle. "S'il te plaît... Va-t'en. - Non. Tu n'as pas le droit de pleurer. - Chacun son tour."
Ses mains agiles effaçaient les dernières traces de maquillage sur ses joues. Il la regardait, dans les yeux. Il la regardait, simplement. Et elle se sentit terriblement mieux. Il commença à l'embrasser sur son visage, tout doucement. Elle eut la force de lui chuchoter quelques mots. "Nous ne sommes pas seuls. Juste au cas où. - Je m'en fiche. C'était idiot de ma part. Qu'est-ce que ça change, qu'ils sachent ? - Tout." Il osa lui capturer les lèvres. C'était la première fois qu'ils le faisaient, au lycée. Leur premier baiser au lycée. Elle en fut extrêmement surprise et le rejeta même. "Tu n'as pas idée. Je ne veux pas que tu te sentes obligé." Il continua sans tenir compte de ses protestations. Et elle se laissa faire. »

Cher Aurélien...

Mercredi 1er octobre 2008

                           Cher Aurélien,



Ma dernière lettre date, en effet. Tu peux te dire que c'est dû aux cours surchargés, au temps libre que je ne souhaite pas te consacrer ou encore parce que je n'ai rien à te dire, je ne confirmerai rien, ni ne démentirai.

Nos entrevues régulières ne me satisfont plus. Je ne te dis rien de ce que tu ne sais pas déjà... Elles m'ont plu, bien sûr, tu le sais déjà. Je ne renie rien de ces deux mois et quelques passés avec toi, ne me fais pas écrire ce que je ne pense pas... Tu sais que cela n'est absolument pas satisfaisant. Cela peut peut-être apaiser un corps, mais pas un cœur, même pas un esprit. Se sentir bien avec quelqu'un ne suffit pas.

Tu le sais aussi, n'est-ce pas, puisque tu ne veux pas t'officialiser... Dans ce cas, cette lettre ne peut pas être considérée comme une lettre de rupture, puisque nous n'avons jamais été « ensemble » dans le sens strict du terme. Il n'empêche que c'est ce que je souhaite faire. Je souhaite que nous arrêtions de nous voir.

Ah, tu ne le pressentais pas ? Venant de la fille gentille, sage, douce et câline que je suis, ne bronchant pas lorsque ton meilleur ami vient et que tu me présentes comme « celle dont je t'ai déjà parlé », ne pipant mot lorsque ton frère débarque sans prévenir et que je deviens « celle qui prend des cours », alors que je pourrais aisément m'en sortir seule !!

Je pourrais te donner rationnellement mes arguments, un à un, en faire une dissertation organisée, mais je n'ai pas envie. Pas que tu ne le mérites pas (voyons !), mais notre relation ne le mérite pas.

Je t'ai donné la possibilité de me garder. Et tu m'appelles pour me dire : « Je ne veux pas me mettre officiellement avec toi, mais j'ai besoin de toi, et j'ai envie de te voir ». Cette situation ne m'aurait pas tellement dérangée si je n'avais pas su que Camille (ou Juliette, puisque c'est la même personne) était encore solidement accrochée au rocher que tu es. Ni si je n'avais pas eu mon ex exprimant sa volonté de me revoir.

« Je ne veux pas te perdre. » Je suis désolée, mais il va bien falloir. Je ne me vois pas avec toi, alors que tu n'es pas seul, alors que je ne le suis pas non plus. Cette relation ne peut que finir par nous faire souffrir...

« Tu es la fille la plus exceptionnelle que j'ai rencontré. » Pourquoi ? Pourquoi ces mensonges, pourquoi ces paroles vides, si tu ne peux pas les assumer ? De nous deux, c'est toi qui es censé être mature, toi qui devrais savoir comment se comporter. À croire que ton diplôme de gestion des relations humaines ne te sert strictement à rien.

Il n'y a pas de « Je t'aime » qui tienne. Tu ne me rattraperas pas avec ces petits mots, magiques mais que tu ne penses pas. Je n'ai plus dix ans, je ne suis pas insouciante, je ne te crois pas. Même quand tu passes toute la journée avec moi, quand tu m'emmènes au cinéma, quand nous déjeunons ensemble, quand tu me prends dans tes bras, quand nous passons l'après-midi entre promenades et cabrioles. Je ne te crois pas. Je ne t'ai pas cru la première fois, alors même que j'avais passé l'une des plus belles journées d'été avec toi.

Je ne crois pas que l'amour puisse naître au premier regard. Le désir, oui. L'envie d'aimer, peut-être. Mais pas l'amour. Tu ne me feras pas avaler ça. Surtout pas ça.


P.-S. : Sache, tout de même, que tu es celui qui m'a le plus apporté. Tu m'as changé, tant moralement que physiquement. Je me suis sentie belle à tes côtés, légère dans tes bras, presque irréelle. Cet été fait partie des plus beaux de ma vie, et c'est grâce à toi. Tu sais, d'autant plus, l'importance que tu as et que tu auras toujours pour moi. Moi non plus, je n'ai pas envie de m'effacer de ta vie, de te « perdre » bien que je ne t'ai jamais vraiment eu.

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